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Le chancelier allemand l’a dit : « Je ne comprends pas ce que fait l’armée israélienne à Gaza. » À vrai dire, il n’y a rien à comprendre : tout est visible, documenté, revendiqué. Il suffit d’ouvrir les yeux, ou d’avoir le courage de les garder ouverts. La destruction systématique de Gaza se justifie, se revendique, se banalise.


Alors on débat : est-ce un génocide ? Cette question, répétée à l’infini sur les plateaux de télévision et les tribunes médiatiques, nous condamne à l’inaction. Elle donne du temps aux criminels, du crédit à leurs soutiens, de la confusion aux spectateurs. Et elle permet la répétition du pire.


Faut-il rappeler qu’après l’Arménie, la Shoah, l’ex-Yougoslavie, le Rwanda, la communauté internationale a défini ce qu’est un génocide ? Oui, sans doute. Mais cela ne suffit pas : la reconnaissance reste éminemment politique. La Turquie nie encore celui des Arméniens. La Serbie relativise celui de Srebrenica. Certains révisionnistes vont jusqu’à remettre en cause l’Holocauste.


Dans nos sociétés occidentales, si promptes à s’émouvoir du sort des Ouïghours ou des Ukrainiens, nous savons pourtant très bien identifier une tentative d’effacement d’un peuple. Mais l’émotion n’est pas l’engagement. Elle est sélective. Stratégique. Hypocrite.


Deux poids, deux mesures. Deux visions de l’Humanité.


Quand la Russie envahit l’Ukraine le 24 février 2022, l’UE dégaine ses sanctions dès...le 23. Avant l’offensive terrestre. La réaction est immédiate, unanime, exemplaire. À l’époque, l’Union fait bloc. On invoque le droit, les valeurs, la paix, l’intégrité territoriale. On répond à la guerre par des actes.


Quand Israël rase Gaza après le 7 octobre 2023, rien. Silence diplomatique. Soutien militaire. Légitimation morale. Et parfois même, admiration stratégique.


L’attaque barbare du Hamas doit être condamnée. Mais le parallèle avec l’Ukraine s’arrête là. Car Israël, soutenu aveuglément par les États-Unis, n’est pas une démocratie assiégée. C’est une puissance militaire occupant, colonisant, affamant, une puissance gouvernée par des extrémistes religieux et ultra-nationalistes, pour qui la paix est un obstacle, et la guerre une opportunité.


En 1995, Yitzhak Rabin, Premier ministre israélien, est assassiné par un extrémiste juif pour avoir signé les Accords d’Oslo. Aujourd’hui, ceux qui partagent l’idéologie de son assassin sont au pouvoir. Et ils ne se contentent plus de saboter la paix : ils organisent la guerre.


Quand Israël rase Gaza après le 7 octobre 2023, rien. Silence diplomatique. Soutien militaire. Légitimation morale. Et parfois même, admiration stratégique.

Netanyahu est en partie responsable du 7 octobre. Il a entretenu le Hamas à Gaza, affaibli l’Autorité Palestinienne, et encouragé la division palestinienne, dans l’espoir cynique de tuer dans l’œuf toute possibilité d’État palestinien. Il a échoué, tragiquement. Mais il reste au pouvoir. Parce qu’en Israël, « seule démocratie du Moyen-Orient », où les arabes n’ont pas les mêmes droits que les juifs, l’impunité est totale. Comme en Russie.


La Russie, au moins, est isolée. Elle est soutenue par la Biélorussie, la Corée du Nord, le Mali, l’Érythrée… des nains diplomatiques. Israël, lui, est soutenu par la première puissance mondiale, et pas d’un soutien tiède. Non. D’un appui inconditionnel, stratégique, financier, spirituel même. L’aide américaine à Israël dépasse tout ce que le monde a connu en matière de coopération bilatérale.


Un peuple victime peut-il devenir bourreau ?


L’Histoire, tragiquement, répond par l’affirmative. En 1994, les Tutsis ont subi une extermination que chacun reconnait. Le Front Patriotique Rwandais, une milice tutsi exilée au Burundi, a réussi à rentrer au pays pour stopper le génocide, que les occidentaux (France et Belgique en tête), par une lecture atroce du conflit, avaient laissé faire. Le FPR, dirigé par Paul Kagame, est aujourd’hui au pouvoir au Rwanda, viole la souveraineté de la République Démocratique du Congo, et arme la milice M23 accusée de crimes de guerre envers la population congolaise.


Les Juifs aussi ont subi une tentative d’extermination. Mais nul n’est immunisé contre la tentation du crime, fût-il collectif, fût-il commis au nom d’un passé douloureux. Le souvenir de la Shoah ne saurait justifier l’écrasement d’un autre peuple. Il devrait justement en prévenir la répétition.


Mais ne rêvons pas : Israël ne reconnaîtra rien. Jamais. Pas plus que les États-Unis ne reconnaissent leurs crimes de guerre en Irak. Pas plus que la France ne reconnaît encore aujourd’hui toutes ses fautes coloniales. Le courage moral n’habite pas — encore — les chancelleries.


L’attitude des autres, c’est l’indécence.


Ceux qui dénoncent les crimes russes, mais soutiennent les bombardements israéliens. Ceux qui fustigent la répression chinoise, mais ferment les yeux sur les meurtres de masse à Gaza. Ceux qui parlent de droit international quand ils mentionnent le Hamas, mais qui n’en connaissent ni les tenants ni les aboutissants, qui dénoncent les crimes des autres pour couvrir les leurs, qui ne savent pas que même les terroristes ont droit à un jugement…Ceux-là se vautrent dans l’ignominie, et, chose insupportable, viennent parader sur les plateaux tv et dans les matinales.


Bombarder une population civile, c’est un crime de guerre. Il n’y a pas de nuance. Peu importe qu’il y ait, dans le tas, un terroriste, un tunnel de terroristes, une cible militaire. Le droit international n’autorise pas le massacre au nom de l’efficacité.


À ce titre, si le monde occidental combat le terrorisme comme le fait Tsahal, il ne se distingue plus du terrorisme. Ce qui différencie justement le monde civilisé du terroriste, ce n’est ni la puissance, ni la précision, ni la rhétorique, mais bien le respect du droit. Le respect de la vie humaine, même celle de l’ennemi.


Le discours vaut aussi pour les Russes, qui ont dénoncé avec vigueur les invasions américaines en Irak, le renversement de Kadhafi en Libye, pour justifier leur atroce invasion en Ukraine. Pourquoi argumenter que les uns déstabilisent des régions entières par des invasions inconsidérées et illégales, pour reproduire le même schéma ? Comment imaginer que le résultat soit différent ?


Les nationalismes déchaînés sont en train de détruire la civilisation. Ils se nourrissent d’ennemis imaginaires : les progressistes, les LGBT, les musulmans, les gauchistes, les « wokistes ». Demain, ce sera le voisin, le partenaire commercial, l’allié ou le « peuple frère » d’hier. Je dis « demain », mais l’Ukraine en est déjà un terrible symbole. Le nationalisme est une forme de communautarisme xénophobe déguisé en patriotisme, justifié par de soi-disants faits historiques, des analyses alimentées par le mensonge et l’incompétence.


À Gaza aujourd’hui, s’opposent deux entités terroristes : le Hamas et le gouvernement Netanyahu. Mais dans cette confrontation, il n’y a ni bon ni méchant. Il n’y a que des civils déchiquetés, des enfants enterrés vivants, des familles rayées de la surface de la Terre.


Et maintenant, Emmanuel Macron s’indigne et veut un État palestinien…


Il part en croisade et fustige à son tour le double discours, les doubles standards. C’est bien trop tard. Trop tard parce qu’il ne reste bientôt plus rien à reconnaître : Gaza est piétinée, écrabouillée. Finaliser le déplacement des derniers survivants est la dernière épreuve de Tsahal.


À Jérusalem-Est annexée, les maisons sont détruites ou réquisitionnées et les arabes doivent payer la facture des bulldozers. En Cisjordanie, le territoire est morcelé, enclavé par les colons qui tirent à vue et exproprient sous le regard amusé et la protection de l’armée.


Le 7 octobre a offert à Israël une légitimité militaire que la communauté internationale n’osait plus lui accorder.

L’Occident punit la Russie pour l’Ukraine, mais ne fait rien pour la Palestine. Parce que le poids de l’Histoire est trop lourd. Parce qu’en Allemagne, la culpabilité paralyse. Parce qu’en France, la peur du reproche empêche toute action. Parce qu’en Europe, l’ombre de Trump se fait sentir…Seule l’Espagne tente de faire bouger les lignes, mais sa voix, même au sein de l’UE, est inaudible…


Le 7 octobre a offert à Israël une légitimité militaire que la communauté internationale n’osait plus lui accorder. Et depuis, c’est l’enfer. Mais pas un enfer caché. Non. Un enfer filmé, diffusé, assumé. Toujours pas de sanction. Toujours pas d’embargo. Pas même une rupture diplomatique. Rien que des mots. À la place, on accuse un peuple apatride d’avoir choisi ses bourreaux. Mais quel peuple, sans droits, sans nation, sans avenir, peut vraiment choisir ses dirigeants ? On leur nie une identité. On leur refuse une nationalité. On les accuse d’exister. Désormais, on les raye de la carte et on débat, nous, du titre que l’on doit donner à cette abjection.


Smotrich et Ben Gvir appellent à l’expulsion des Gazaouis. Trump rêve d’un complexe touristique sur les ruines. Netanyahu parle d’aide humanitaire comme d’un outil diplomatique, le ministre israélien de l’Économie propose de remplacer la Palestine par un émirat commercial…


Voilà le niveau de cynisme.


Et nous ? Nous avons osé dire « plus jamais ça » ?


Après deux guerres mondiales nées du nationalisme, périodes charnières de nos cursus d’Histoire-Géographie où l’on nous a répété « plus jamais ça », après les révoltes qui ont suivi des décennies de colonisation, après les invasions à grande échelle pour « installer la démocratie », on nous explique en direct à la télévision qu’un état qui bombarde une population, l’enferme et l’affame a le « droit de se défendre », qu’un salut nazi est un simple signe de ralliement à la foule, ou qu’il existerait dans nos sociétés un phénomène à grande échelle visant à nous remplacer…


Mais on nous explique aussi qu’il est naturel que les Palestiniens eux, doivent payer de leurs vies, de leur terre, de leur droit d’humain à exister et à prospérer, le fait d’avoir, il y a près de vingt ans, porté au pouvoir une entité criminelle que la justice internationale avait elle aussi mis au ban des accusés.


Les responsables ont été assassinés. Oui, même quand elle va dans notre sens, cette justice est empêchée de faire son travail.


Mais heureusement, en occident, on lutte contre la barbarie.

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